Etude de cas n°2 : leucémie et exposition au formol



Source : internet.


Enoncé du problème


Le formol ou formaldéhyde (aldéhyde formique), produit chimique largement utilisé, est classé par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, en anglais IARC) en groupe 1, qui concerne les substances dont les preuves sont suffisantes pour affirmer qu’elles sont cancérogènes pour l’homme.

Le carcinome du nasopharynx lié à l’exposition au formol peut être reconnu en maladie professionnelle au titre du tableau n°43 bis.

Par contre, la leucémie, et notamment la leucémie myéloïde chronique, liée au formol, ne fait pas l’objet d’un tableau de maladie professionnelle, alors que les études les plus récentes font état de « preuves suffisantes d’association entre l’exposition au formaldéhyde et l’augmentation d’incidence de leucémies ». Voir: avis AFSSAPS 2010 sur les produits de lissage capillaire.


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Exposé des faits


Mme J., 65 ans, est atteinte d’une leucémie myéloïde chronique.

Elle a travaillé pendant 11 ans dans une entreprise de développement photographique où le formol était utilisé comme agent stabilisant dans la procédure de développement. Polyvalente, elle a respiré quotidiennement des émanations de formol sans aucune protection.

Elle démarre seule la procédure de reconnaissance en maladie professionnelle. Dans la mesure où il s’agit d’une maladie hors tableau (en dehors du benzène et des rayonnements ionisants), le dossier est soumis au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) dans le cadre de l’alinéa 4 de l’article L 461-1 du Code de la sécurité sociale.

Ce dernier, au vu des éléments en sa possession, « ne peut établir de lien direct et essentiel entre l’activité professionnelle de Mme J. et la leucémie myéloïde chronique ».

Il s’appuie notamment sur l’avis du médecin du travail obligatoirement  sollicité dans  cette procédure : 


« Une analyse complète du risque chimique dans l’entreprise n’a pas, selon le médecin du travail, identifié d’exposition à des produits hémato-toxiques ».

En fait, il n’est pas encore question à ce stade d’exposition au formol, et c’est une analyse minutieuse effectuée par la suite, dans le cadre d’une permanence AT/MP syndicale, qui nous amène à incriminer le formol dans la survenue de la leucémie.

La preuve de l’utilisation du formol par l’entreprise, et donc de l’exposition de Mme J., est apportée par le dossier de cessation d’activité du laboratoire photographique, dossier déniché par le mari de la victime, tenace, à la DRIRE (Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement).

L’affaire est portée devant le TASS (Tribunal des affaires de sécurité sociale) en faisant valoir à la fois les éléments bibliographiques en faveur d’un lien entre leucémie et exposition au formol et les preuves de l’exposition.

Il est demandé à titre subsidiaire que le dossier soit soumis à l’avis d’un autre CRRMP, conformément à l’article L142-24-2 du Code de la sécurité sociale, sachant que la demande à titre principale est celle d’une reconnaissance implicite dans la mesure où la caisse n’a pas respecté les délais d’instruction.

La caisse a, en effet, 3 mois plus 3 mois pour instruire un dossier de maladie professionnelle (articles R441-11 et -14 du Code de la sécurité sociale) et, si le dossier est soumis au CRRMP, la réponse de ce dernier doit intervenir dans les 6 mois.

Or, quand la caisse notifie à la victime, au bout de 6 mois, un refus conservatoire, elle n’a pas encore envoyé le dossier au CRMMP. Le dossier ne sera envoyé qu’un mois et demi plus tard.

Le TASS homologue la maladie professionnelle sur le fondement d’une reconnaissance implicite. La caisse a fait appel.


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Discussion


Il est certes dommage que le dossier n’ait pas été gagné sur le fond, pourtant solide, en 1ère instance, mais le débat n'est pas terminé.

L’avis du CRRMP est consternant, mais à sa décharge, ce dernier était tributaire en partie de l’avis de l’ingénieur conseil de la CRAM, dont l’avis est obligatoirement sollicité ainsi que de l’avis du médecin du travail de l’entreprise également obligatoirement sollicité.

Ces « spécialistes » des conditions de travail auraient en effet dû savoir qu’un produit cancérigène comme le formol était utilisé dans l’entreprise.

On estime qu’en France plus de 200 000 travailleurs sont exposés au formol dans de nombreux secteurs d’activité, dont la liste indicative du tableau n°43 bis fournit les principaux travaux.

Exemples (non exhaustifs) de sa large utilisation :
  • résines fabriquées à base d’urée/formol, de phénol/formol, de mélanine/formol, largement employées dans le secteur du bois (agglomérés, contreplaqués, encollage, finition des meubles), en fonderies, dans la construction (mousses isolantes), dans les travaux publics et les mines (consolidation des terrains) ;
  • dans l’industrie textile (défroissant), en papeterie/cartonnerie, dans le secteur du cuir, dans la coiffure (produits de lissage capillaire) ;
  • pour fixer les tissus biologiques (laboratoires d’anatomopathologie, embaumements), désinfectant en milieu hospitalier et dans l’industrie agroalimentaire ;
  • en tant que conservateur dans les détergents, peinture, huiles de coupe et cosmétiques.

Janvier 2013
(mise à jour, avril 2013)

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