Etude de cas n°10 : séquelles de splénectomie


 « J'ai la rate qui s'dilate » 

Source : internet.


Enoncé du problème


Lors de polytraumatismes, touchant notamment l’abdomen, il n’est pas rare que se produise une rupture de la rate nécessitant alors son ablation 
(= splénectomie).

Les conséquences d’une splénectomie sont d’une part une moindre résistance aux infections et d’autre part l’augmentation du nombre des plaquettes dans le sang (= thrombocytose).

Les plaquettes jouent un rôle important dans l’hémostase (processus permettant l’arrêt d’une hémorragie). Leur nombre dans le sang est régulé notamment par la rate qui emmagasine en temps normal 30% des plaquettes de tout l’organisme.

Les valeurs normales sont chez l’adulte de 160 000 à 350 000/mm3.

Le risque, lorsque les plaquettes sont fortement augmentées, est la formation d’un caillot dans une artère (= thrombose), bloquant alors la circulation du sang.

Le barème des accidents du travail prévoit, au paragraphe 13.1, un taux minimum d’IPP (incapacité permanente partielle) de 10% pour les séquelles d’une splénectomie. Mais s’il y a modification de la formule sanguine, le taux peut être évalué de 15 à 30%.


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Exposé des faits


Monsieur F. vient à la permanence AT-MP d’un comité d’entreprise dont je suis le conseiller, notamment pour le suivi contentieux d’une maladie de Lyme (maladie infectieuse transmise à la suite d’une morsure de tique).

On apprend que, lorsqu’il était jeune apprenti, il a eu un grave accident de trajet et qu’il a perdu la rate, mais il a été à l’époque déclaré guéri et n’a reçu aucune indemnisation, alors qu’il avait droit au taux minimum de 10%.

Comment réparer cette injustice ?

Un contrôle sanguin en 1994 (l’accident date de 1975) montre une augmentation des plaquettes (= thrombocytose) qui se confirme dans le temps.

L’option prise est de faire une rechute, mais en s'assurant que le certificat médical de rechute établi en 2006 ne fasse mention que des résultats de 2005, en passant sous silence les résultants antérieurs. Nous verrons le pourquoi dans le chapitre « discussion ».

La caisse refuse la rechute : « le médecin-conseil estime que la thrombocytose constatée trente ans après l’accident du travail n’est pas imputable à celui-ci ».

Une expertise, au titre de l’article L141-1 du Code de la sécurité sociale, est diligentée.

Un protocole d’expertise est établi, dans lequel le médecin conseil et le médecin désigné par la victime donnent chacun leur opinion en vue d’éclairer l’expert.

L’avis du médecin désigné est rédigé avec soin, en précisant que la thrombocytose a été documentée en 1994 et qu’elle est constante dans le temps, en citant quelques uns des résultats à disposition. Et d’ajouter :

« Il est évident que la thrombocytose est en relation avec la splénectomie. Si une numération des plaquettes avait été effectuée entre 1975 (année de l’accident) et 1994, la thombocytose aurait été certainement retrouvée ».
  
L’expert donne un avis favorable. La caisse accorde un taux d’IPP de 10%, mais le compte n’y est pas car le barème prévoit un taux d’IPP de 15 à 30% quand il y a « modification de la formule sanguine ».

Le TCI (Tribunal du contentieux de l’incapacité) est saisi et la victime obtient de ce dernier un taux d’IPP de 15%, ce qui est acceptable dans la mesure où l’augmentation des plaquettes reste modérée.

A la lecture de la notification du taux d’IPP, nous apprenons que la date d’effet de la rente intervient trois ans après la date du certificat médical de rechute (3 ans d’indemnisation sont donc perdus), alors que nous comptions œuvrer pour faire coïncider la date d’effet de la rente avec celle du certificat médical de rechute.

Mais une mauvaise communication avec Monsieur F. n’a pas permis de poursuivre dans ce sens, dans la mesure où il ne nous a pas transmis en temps voulu la notification de la date de consolidation émanant de la caisse.

La contestation d’une telle décision doit être faite dans le délai d’un mois après réception, avec mise en oeuvre d’une expertise au titre de l’article L141-1 du Code de la sécurité sociale.


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Discussion


Si nous avons pris soin de ne faire mentionner dans le certificat médical de rechute que des résultats récents du nombre de plaquettes, c’est pour éviter que le délai de prescription ne soit dépassé.

En effet l’article L431-2 du Code de la sécurité sociale précise au deuxième paragraphe que le délai de prescription dans le cas d’une rechute d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est de deux ans à compter de « la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l’état de la victime ».

Faire état dès le départ des résultats sanguins de 1994, plus proches de l’accident de 1975 que des résultats de 2005, aurait donc compromis la démarche.

Mais nous avons pris soin de faire savoir à l’expert, dans le cadre du protocole d’expertise, que l’augmentation des plaquettes n’était pas récente.

La procédure d’aggravation, pour laquelle il n’existe pas la contrainte du délai de prescription, n’est possible que si, au départ, il n’y a pas eu guérison mais consolidation.

Le protocole d’expertise, prévu par l’article R141-3 du Code de la sécurité sociale, où est consigné l’avis du médecin conseil et celui du médecin désigné par la victime, est une pièce essentielle dans le cadre du débat contradictoire, mais son importance n’est pas toujours bien comprise par le médecin traitant qui rédige son avis.

Concernant l’intérêt de faite coïncider la date de consolidation avec la date du certificat médical de rechute, voir l’étude de cas n°8, « date de consolidation ».

Mai 2013
(mise à jour, juillet 2014)

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