Etude de cas n°7 : eczéma lié aux huiles et graisses



Source : Dermatologie clinique et vénéréologie, R. TOURAINE et J. REVUZ, éditions Masson, 1997, p.19. 



Enoncé du problème


Le tableau n°36 concerne les « affections provoquées par les huiles et graisses d’origine minérale ou de synthèse ».

Parmi ces affections figurent les « lésions eczématiformes, récidivant en cas de nouvelle exposition au risque ou confirmées par un test épicutané ».

L’idéal, en matière de diagnostic allergologique, est d’identifier le produit (ou allergène) responsable, à l’aide notamment de tests épitcutanés.

Malheureusement, en matière d’eczéma professionnel, il est souvent difficile d’identifier exactement le produit responsable, au milieu d’un mélange d’autres produits. Aussi le meilleur moyen de prouver le caractère professionnel d’un eczéma est la récidive après nouvelle exposition au risque.

Il faut noter d’emblée l’importance de la conjonction « ou » qui figure dans le tableau.


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Exposé des faits


Monsieur A., soudeur à l’arc durant toute sa carrière comme intérimaire, est victime vers l’âge de 55 ans d’un eczéma prédominant au niveau des mains évoluant par poussées, avec tendance à la généralisation.

Il est suivi par un service de dermatologie universitaire et, il ne fait aucun doute pour le professeur de ce service qu’il s’agit d’un eczéma professionnel, puisque les poussées ont une concordance très nette avec le travail. La difficulté est d’identifier le produit responsable.

Une demande de maladie professionnelle est faite au titre du tableau n°65, « lésions eczématiformes de mécanisme allergique », mais elle n’aboutit pas, dans l’impossibilité qu’il y a de rattacher l’exposition de la victime à la liste des travaux du tableau n°65, d’autant que la batterie de tests pratiqués n’apporte pas d’élément probant.

Au cours de cette procédure, une expertise technique médicale, dans le cadre de l’article L141-1 du Code de la sécurité sociale, laisse cependant entendre que le contact avec les huiles et graisses pourrait être une piste, dans le cadre du tableau n°36, à condition de réaliser les tests adéquats.

La victime est prise en charge par une permanence syndicale dont je suis le conseiller médical. On explore alors la piste de la manipulation à mains nues, lors des opérations de soudage, de tôles enduites d’huile.

Le professeur de dermatologie accepte de rédiger un nouveau certificat incriminant les huiles et graisses et une nouvelle demande de maladie professionnelle est faite, cette fois au titre du tableau n°36.

La caisse refuse, s’appuyant sur l’avis de son médecin conseil qui met en avant que la victime présente un terrain allergique et qu’aucun test n’a été effectué.

Une expertise est diligentée au titre de l’article L141-1 du Code de la sécurité sociale. Elle revient négative en mettant en avant l’absence de tests qui pourraient prouver un lien entre le contact avec les huiles et l’eczéma présenté par la victime.

Nous saisissons alors le TASS (Tribunal des affaires de sécurité sociale) et mettons en avant dans nos conclusions que le tableau n°36 prévoit deux possibilités pour caractériser les lésions eczématiformes et que la notion de récidive en cas de nouvelle exposition au risque n’oblige pas la confirmation par un test épicutané.

Une deuxième expertise est diligentée à l’initiative du TASS. L’expert confirme la valeur relative des tests épicutanés en pratique dermatologique et loue la prudence du législateur qui n’a pas établi l’obligation que la maladie soit caractérisée uniquement par un test positif.

Il affirme avec vigueur qu’« en médecine, la clinique reste reine ». Pour lui, l’eczéma est d’origine professionnelle.

L’eczéma est alors reconnu par le TASS comme maladie professionnelle et un taux d’IPP de 5% est attribué par la caisse. Mais l’affaire n’est pas terminée, comme nous allons le voir dans l’étude de cas n°8.


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Discussion


Le système de reconnaissance des maladies professionnelles dans le cadre des tableaux est basé sur la présomption d’origine.

Dès lors que la victime répond aux critères définis dans le tableau n°36 (désignation des maladies, délai de prise en charge de quinze jours, liste limitative des travaux), elle bénéficie de cette présomption d’origine.

Or, dans cette affaire, alors que la victime présente, conformément à l’exigence du tableau,  des « lésions eczématiformes, récidivant en cas de nouvelle exposition au risque », on se rend compte  du poids exercé par les experts auxquels il est demandé de statuer sur un lien de causalité, alors que cette obligation n’existe pas dans le cadre de la présomption d’origine et que de toute façon il n’est pas du ressort de l’expert de statuer dans ce domaine.

Lorsque nous menons le débat devant le TASS, nous nous bornons à démontrer que Monsieur A. répond aux critères du tableau n°36 et qu’il présente notamment la maladie définie au tableau. 

Nous demandons au tribunal de statuer en l’état sans qu’il soit besoin de faire appel à l’expertise. Mais les juges du TASS ne comprennent pas bien la subtilité de la présomption d’origine :

« S’il ressort toutefois des éléments du dossier qu’il existe une coïncidence entre la présence de Monsieur A. sur son lieu de travail et ses manifestations allergiques, le rôle causal des huiles utilisées n’est nullement démontré de sorte qu’une nouvelle expertise à confier à un allergologue s’avère nécessaire […] ».

Nous n’avons pas fait grief de cette interprétation, et pour cause, puisque l’expertise, diligentée à tort par le TASS, nous a donné raison.


Avril 2013

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