Etude de cas n°14 : CNITAAT



Source : internet.



Enoncé du problème


La CNITAAT ou Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail est la Cour d’appel des décisions des Tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) : articles L143-3 et suite, et R143-15 et suite du Code de la sécurité sociale)

Dans le domaine des accidents du travail et des maladies professionnelles, lorsqu’il existe des séquelles, le taux d’IPP est fixé par la caisse sur proposition du médecin-conseil.

Les nombreux contentieux que nous menons en matière d’indemnisation sont le signe que les taux attribués par les médecins-conseils sont souvent en deçà de ce que les victimes seraient en droit d’obtenir.

La contestation du taux d’IPP devant le TCI, où le jeu est assez ouvert, peut permettre d’améliorer le taux d’IPP, sachant cependant que les juges ne servent pas à grand-chose et que le pouvoir est entre les mains des médecins experts.

Les victimes ou les caisses peuvent contester les décisions des TCI devant la CNITAAT.


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Exposé des faits


Monsieur K., alors âgé de 54 ans et travaillant dans une usine sidérurgique est victime d’un accident grave. Il est coincé par un cylindre de laminage de l’ordre de 20 tonnes lors d’une manipulation.

La prise en charge médicale et chirurgicale va concerner : une fracture ouverte du fémur droit avec de multiples fragments, une atteinte du genou gauche associant des lésions du ligament latéral externe, du ligament croisé antérieur et des deux ménisques, une atteinte du nerf sciatique poplité externe gauche.

Un taux d’IPP de 20% est attribué pour les séquelles, taux que Monsieur K. juge insuffisant et conteste devant le TCI.

Il fait valoir, par l’intermédiaire de l’avis de son médecin conseiller, dans le cadre d’une permanence syndicale AT/MP, que le taux d’IPP peut être estimé à 43% sur les bases suivantes :
  • 10% pour les séquelles à droite dominées par des douleurs au niveau de genou et de la hanche, entraînant une boiterie à la marche qui nécessite l’aide d’une canne.
  • 33% pour les séquelles à gauche dominées par une diminution de la mobilité du genou auquel doit correspondre un taux d’IPP de 20% à raison de 15% pour la flexion qui ne peut se faire au delà de 90°, et 5% pour le déficit de l’extension, par référence au barème accidents du travail, au paragraphe 2.2.4.
Les 13% complémentaires aux 20% concernent le dérobement intermittent du genou gauche, l’amyotrophie, la déviation du pied, les douleurs et l’atteinte du nerf sciatique poplité externe confirmée à l’électromyogramme.

L’expert auprès du TCI, statuant sur le champ, fait sensiblement les mêmes constatations médicales que le conseiller médical de la victime et propose un taux d’IPP de 43%, taux que le TCI entérine.

La caisse conteste cette décision devant la CNITAAT dans le cadre d’une politique nationale des caisses qui contestent systématiquement les décisions des TCI favorables aux victimes.

L’expert, diligenté par la CNITAAT et qui juge sur pièces sans voir la victime, se range du côté du médecin-conseil en proposant un taux de 25%, avec 5% de mieux par rapport à ce dernier qui a donné un taux de 20%. Il ne tient pas compte des avis concordants émis par le médecin conseiller de la victime et le médecin expert du TCI.

Malgré nos protestations devant l’affirmation de l’expert de la CNITAAT prétendant que le taux d’IPP fixé par le TCI est « nettement surévalué » et malgré la démonstration apportée en retour du caractère erroné des conclusions de l'expert, la CNITAAT entérine le taux d’IPP de 25%.


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Discussion


Ce cas illustre la banalité d’une situation où en matière d’indemnisation les victimes n’ont aucune chance de gagner.

Si les TCI majorent régulièrement les taux d’IPP attribués par les médecins-conseils, en fonction de la bonne volonté des experts plus ou moins corrects, le bénéfice est annulé au niveau de la CNITAAT par les experts qui prennent la plupart du temps fait et cause pour ce qu’a dit au départ le médecin-conseil.

Les juges de la CNITAAT ne prennent pas leurs responsabilités face aux avis donnés par leurs médecins experts, rendant illusoire le caractère contradictoire du débat, sachant que c’est le président qui fait la loi, les assesseurs (un représentant des salariés et un représentant des employeurs) ne servant la plupart du temps que de « pots de fleur ».

D’un point de vue pratique, à la lumière de notre expérience, lorsque nous contestons à la CNITAAT une décision du TCI, nous n’avons aucune chance de gagner, ce qui ne nous empêche pas de poursuivre le contentieux, quand nous l’estimons nécessaire, mais sans illusion, en attendant des jours meilleurs.

D’un autre côté, comme les caisses contestent systématiquement les décisions des TCI favorables aux victimes, sachant qu’elles auront gain de cause en raison de la connivence fréquente entre les médecins experts de la CNITAAT et les médecins conseils, nous perdons la plupart du temps au niveau de la CNITAAT ce qui a été acquis au niveau du TCI.

Une étude récente a montré que si la victime contestait devant la CNITAAT, elle avait gain de cause une fois sur dix, tandis que si la caisse contestait, la CNITAAT lui donnait raison une fois sur trois.

A qui profite le crime ? Dans le cas ci-dessus, un taux d’IPP de 43% aurait coûté à l’employeur ou à défaut à la branche AT/MP, financée uniquement par les employeurs, dans le cadre de la tarification, la somme de 300 000 à 445 000 euros, tandis que le taux de 25% ne coûtera que 77 000 à 91 000 euros.

La situation au niveau de la CNITAAT est scandaleuse, illustrant le fait que, dans un Etat de droit et démocratique, peuvent subsister des poches de non droit où règne l’arbitraire.

Cette situation perdurera tant que ce scandale n’aura pas éclaté au grand jour et n’aura pas mobilisé la société civile et les politiques pour que la situation change.

Juillet 2014

2 commentaires:

  1. Les évènements vont plus vite que prévus. On vient d'avoir connaissance du projet de loi "portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle", présenté récemment au Conseil des ministres.
    A l'article 8 il est prévu de regrouper les TASS et le TCI dans une seule juridiction. La juridiction d'appel ne sera plus la CNITAAT, mais les Cour d'appels. La CNITAAT ne s'occupera plus que du contentieux concernant la tarification.
    La réforme doit intervenir avant le 31.12.2018.
    Champagne ...

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  2. oui moi le tci ma attribué 3% de plus pour perte d,empnoi la secu a fait appel cest systematique chez eux

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