Etude de cas n°8 : date de consolidation



Source : internet.


Enoncé du problème


En principe, après une période d’incapacité temporaire totale (avec indemnités journalières) l’accident du travail ou la maladie professionnelle est guéri ou consolidé avec séquelles.

Si la consolidation intervient avec l’existence de séquelles indemnisables, les prestations (rente viagère ou capital) sont servies à compter du lendemain de la date de consolidation (R433-34 du Code de la sécurité sociale).

La poursuite de soins après la reprise du travail ne doit pas retarder la date de la consolidation dans la mesure où ceux-ci sont pris en charge au titre de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, dans le cadre d’un protocole pour soins après consolidation établi par le médecin traitant en accord avec le médecin conseil.

La proposition d’une date de guérison ou de consolidation est faite par le médecin traitant qui établit un certificat médical final. Sinon, la caisse propose une date laissant la possibilité au médecin traitant de réagir dans les 10 jours.

La contestation de la notion de guérison ou de la date de consolidation est du domaine de l’expertise médicale dans le cadre de l’article L141-1.

Mais il existe des cas où, bien qu’indemnisée par une rente, la maladie professionnelle ne donne pas lieu à un arrêt de travail ou plus souvent survient chez une victime qui n’est plus au travail (par exemple à la retraite).

La victime a alors intérêt à ce que la date de consolidation soit au plus près de la date du certificat médical initial.

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Exposé des faits


Il s’agit de la suite de l’exposé des faits de l’étude de cas n°7.

Suite au certificat médical final établi par le médecin traitant, la date de consolidation est fixée au 03.11.2006, alors que le certificat médical initial date du 30.05.2003. Monsieur A. ne conteste pas dans un premier temps.

Un taux d’IPP (incapacité permanente partielle) de 5 % est attribué et l’on se rend alors compte que ce nouveau taux permet la prise en compte de petits taux antérieurs inférieurs à 10 % (article L434-2, CSS).

La caisse propose à la victime une rente optionnelle sur la base d’un taux d’IPP de 27 % (total de 22 % pour les petits taux d’IPP antérieurs) que la victime accepte.

La date d’effet de la rente, donc la date de consolidation, prend alors une valeur particulière. La victime a maintenant intérêt à agir.

Monsieur A. fait alors une demande à la caisse pour qu’elle revoie la date de consolidation, en produisant le certificat d’un autre médecin spécifiant que la date de consolidation doit intervenir au 30.05.2003 et non pas le 03.11.2006.

Il précise qu’en cas de refus, il demande à bénéficier d’une expertise médicale au titre de l’article L141-1 du CSS.

Dans la suite du contentieux, la caisse fait grief à la victime d’avoir dépassé les délais de recours, notamment pour l’expertise, mais à cette époque le délai de recours pour l’expertise était de 2 ans (il est actuellement d’un mois), mais souvent les caisses négligeaient de l’indiquer.

Le problème des délais de recours soulevé par la caisse sera vite réglé au cours du contentieux et n’aura pas d’impact par la suite.

En fait, la caisse refuse l’expertise au motif que, dans la mesure où le médecin conseil et le médecin traitant sont d’accord sur la date de consolidation, il n’y a pas litige. La victime saisit alors la Commission de recours amiable, mais la caisse oppose également un refus.

L’affaire est portée devant le TASS (Tribunal des affaires de sécurité sociale), en faisant valoir que Monsieur A., en raison de son eczéma récidivant, ne peut reprendre le travail de soudeur comme intérimaire, qu’il est au chômage et que le certificat médical initial est postérieur à la date où la caisse a cessé de lui servir des indemnités journalières au titre de la maladie professionnelle.

Dès lors, fixer la consolidation trois ans et demi plus tard n’a aucune justification médicale, sachant que les lésions se sont stabilisées à l’arrêt de l’exposition, les séquelles consistant en des lésions prurigineuses disséminées sur le corps se manifestant chroniquement.

Quant à l’accord entre le médecin traitant et le médecin conseil sur la date de consolidation, il constitue bien un litige d’ordre médical dans la mesure où la victime n’est pas d’accord avec son médecin traitant et qu’elle fournit un avis médical contradictoire.

Le TASS accède à notre demande d’expertise et fait appel à l’expert dermatologue dont l’avis favorable avait permis la reconnaissance en maladie professionnelle de l’eczéma.

Mais ce dernier conteste le bien fondé de faire coïncider la date de consolidation avec celle du certificat médical initial, en fixant la consolidation au 19.05.2005, date tout aussi artificielle que la date de  la caisse.

« Cela est impossible. Un certificat médical initial, décrivant une maladie professionnelle à son début, ne peut évidemment pas comporter une date de consolidation qui ne peut être donnée qu’après évolution de la maladie et séquelles éventuelles, donc bien plus tard ».


Nous faisons valoir au Tribunal que l’expert fait une confusion entre la date de la première constatation médicale et le certificat médical initial et qu’une maladie peut évoluer et se stabiliser bien avant que ne soit établi un certificat médical initial.

A l’appui, on verse au dossier l’extrait de la charte des AT-MP concernant les maladies liées à l’amiante où il est préconisé que, lorsqu’il n’y a pas de versement d’indemnités journalières, la consolidation intervient à la date du certificat médical initial, aussi bien pour les affections non cancéreuses que pour les cancers.

Le TASS accède à notre demande d’une nouvelle expertise. L’expert fixe la date de consolidation au 30.05.2003, date du certificat médical initial.

La victime récupère environ 14 000 euros. Le contentieux a duré plus de 8 ans.

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Discussion


La charte des AT-MP (émanant de la Caisse nationale d'assurance maladie), qui a été pendant un certain temps accessible sur internet, ne l’est plus actuellement. Aussi nous mettons en pièce jointe la fiche concernant les maladies liées à l’amiante.

Tout au long de cette histoire, concernant aussi bien le contentieux de la reconnaissance que celui de la date de consolidation, les juges ne servent pas à grand-chose. C’est le pouvoir médical qui domine et les juges sont à la remorque.

L’article L141-1 du CSS prévoit l’expertise médicale lorsqu’il y a un litige d’ordre médical. Les juges peuvent décider une autre expertise sur demande des parties (article R142-24-1 du CSS), mais ils n’ont aucune liberté vis-à-vis des conclusions. C’est le dernier expert qui a parlé qui a raison.

Cette disposition, énonçant que le juge est lié par les conclusions de l’expert, et rappelée maintes fois par la Cour de cassation, est un archaïsme dans un Etat de Droit moderne.

La question de la date d’effet de l’indemnisation vient d’être récemment posée par la Cour de cassation (jugement du 16.06.2011), qui affirme qu’il est fondé que les prestations prévues par la législation professionnelle soient accordées à compter de la date de la première constatation médicale.

Mais nous n’avons pour le moment pas d’expérience à ce sujet.

Avril 2013

1 commentaire:

  1. Bravo Lucien, sacrée victoire !

    Très intéressant.

    Marie, CFDT

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