Etude de cas n°11 : BPCO et poussières de bois



Source : internet.



Enoncé du problème


La BPCO ou broncho-pneumopathie chronique obstructive est une inflammation progressive des bronches et des bronchioles, avec altération de la paroi (destruction des cils des cellules de revêtement et hyperproduction de mucus) et réduction de calibre.

Elle entraîne souvent une distension des alvéoles et leur destruction, constituant alors un emphysème.

Le diagnostic se fait principalement lors des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) où le phénomène d’obstruction est mis en évidence par une chute du VEMS (volume expiré maximal en 1 seconde).

La BPCO est majoritairement due au tabac, mais on estime cependant que 15 à 20% des BPCO sont d’origine professionnelle (voir article de J. AMEILLE et collaborateurs dans la Revue des maladies respiratoires en 2006).

La BPCO est reconnue en maladie professionnelle dans le cadre des tableaux
90 (coton), 91 (mineur de charbon) et 94 (mineur de fer).

Concernant les nuisances, pour lesquelles les études épidémiologiques ont mis en évidence leur responsabilité dans la survenue d’une BPCO, mais qui ne font pas l’objet d’un tableau, il convient de faire une procédure dans le cadre de l’alinéa 4 de l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale (maladie hors tableau), avec nécessité de prouver un lien direct et essentiel.

C’est le cas des poussières de bois, sachant que pour que le dossier soit instruit dans le cadre de l’alinéa 4, avec soumission à l’avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), il faut que la victime soit atteinte d’un handicap justifiant un taux d’IPP d’au moins 25%.


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Exposé des faits


Monsieur M., alors âgé de 47 ans et machiniste sur bois est atteint d’une BPCO, avec un VEMS à 58% de la valeur moyenne théorique (un VEMS supérieur à 80% de la valeur moyenne théorique est considéré comme normal).

Sur le conseil du médecin du travail, il fait une déclaration de maladie professionnelle hors tableau.

Conformément à la procédure habituelle, la caisse fait part au bout de 3 mois à la victime de la nécessité d’un délai complémentaire d’instruction et, au bout de 3 mois supplémentaires, la caisse refuse la prise en charge en donnant comme motif qu’elle n’est pas en possession de l’avis du médecin conseil.

Monsieur M., qui ne veut pas en rester là, saisit la Commission de recours amiable. Il apprend peu de temps après que son dossier a été transmis au CRRMP sous le motif que la condition relative à liste des travaux n’est pas remplie.

Formulé ainsi, on n’est pas dans le cadre de l’alinéa 4 de l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale, mais dans le cadre de l’alinéa 3, mais Monsieur M. ne sait pas de quel tableau il s’agit.

11 mois après la déclaration, la caisse confirme son refus. Monsieur M. apprend que son dossier n’a pas été traité dans le cadre d’une maladie hors tableau, à savoir une BPCO liée aux poussières de bois, mais dans le cadre du tableau n°94 concernant les mines de fer.

L’avis du CRRMP, postérieurement porté à sa connaissance, ne manque pas de sel :

« Il apparaît que Monsieur M. n’a jamais exercé la profession de mineur de fer, condition sine qua non pour répondre à l’intitulé du tableau n°94 ».

C’est à ce moment-là que le dossier est pris en charge par une permanence syndicale dont je suis le conseiller médical.

La contestation est portée devant le TASS (Tribunal des affaires de sécurité sociale) qui ne fait aucune difficulté, à la narration minutieuse de cette histoire rocambolesque, d’accéder à notre demande que le dossier soit soumis à l’avis d’un CRRMP dans le cadre de l’alinéa 4 de l’article L 461-1 de Code de la sécurité sociale (lien direct et essentiel), sachant que la victime n’a pratiquement jamais fumé.

Mais la caisse, sur l’avis du médecin conseil, estime que le handicap respiratoire dont est atteint Monsieur M. ne justifie pas un taux d’IPP égal ou supérieur à 25%, ce qui empêche la soumission du dossier au CRRMP.

Cette décision est en contradiction avec le barème maladies professionnelles, au paragraphe 6.9, « déficience fonctionnelle respiratoire ».

Avec un VEMS de l’ordre de 60% de la valeur moyenne théorique, Monsieur M. entre dans la catégorie des « insuffisances respiratoires chroniques moyennes » et à un VEMS de l’ordre de 60% correspond un taux d’IPP de plus de 50%.

Le TCI, qui a été saisi avec à l’appui un avis du conseiller médical, statue en faveur de la victime, estimant que le handicap respiratoire justifie un taux d’IPP d'au moins 25%.

Le CRRMP, au lieu de se prononcer sur le lien direct et essentiel entre la BPCO et l’exposition aux poussières de bois, requalifie la maladie en asthme sévère, entrant alors dans le cadre du tableau n°47.

Mais le résultat pour la victime est  le même : la maladie qui a été déclarée est alors reconnue maladie professionnelle.


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Discussion


Cette histoire est un exemple typique des embûches que les caisses peuvent causer dans un dossier de reconnaissance en maladie professionnelle, surtout quand la maladie sort de l’ordinaire.

Le CRRMP est une structure collégiale, composée de 3 médecins (article D461-27 du Code de la sécurité sociale), chargée de donner un avis en application des alinéas 3 et 4 de l’article  L461-1 du Code de la sécurité sociale.

L’alinéa 3 constitue un système de rattrapage des tableaux lorsque les conditions relatives à la liste limitative des travaux, à la durée d’exposition ou au délai de prise en charge ne sont pas remplies.

Le CRRMP donne alors un avis sur le lien direct entre la maladie et le travail habituel de la victime.

L’alinéa 4 concerne les maladies qui ne font pas l’objet d’un tableau. Le CRRMP donne un avis sur le lien direct et essentiel entre la maladie et le travail habituel de la victime, avec la nécessité au préalable d’un taux d’IPP d’au moins 25%.

Ce taux est prohibitif et laisse beaucoup de victimes sur le bord du chemin. Un taux d’IPP de 10% serait plus adapté. 

En aucun cas, le CRRMP ne peut intervenir sur la caractérisation de la maladie. Dans cette affaire, le CRRM est sorti de ses prérogatives, sans que sa motivation apparaisse clairement (volonté de ne pas créer un précédent ?).

Pour caractériser un asthme d’origine professionnel, il faut notamment que les crises récidivent après nouvelle exposition au risque et cette condition est énoncée dans le tableau n°47 concernant les poussières de bois.

Dans l’histoire de Monsieur M., on ne retrouve pas la notion de crise d’asthme et de récidive en cas de nouvelle exposition au risque, sinon il aurait dû être rapidement soustrait au risque.

Il a été exposé 15 ans aux poussières de bois et c’est lentement que s’est constituée l’insuffisance respiratoire chronique.

Juin 2013

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