Etude de cas n°16 : dopage (EFR)


Source : internet.


Enoncé du problème


Dans le cadre des maladies professionnelles respiratoires, l’indemnisation est essentiellement basée sur la déficience fonctionnelle respiratoire qui en résulte. Le taux d’IPP (incapacité permanente partielle) est déterminé d’après les différents degrés de l’insuffisance respiratoire définis dans le barème des maladies professionnelles au paragraphe 6.9.

Schématiquement, les maladies respiratoires restrictives (asbestose, épaississements de la plèvre viscérale et plaques pleurales importantes, désignés au tableau n°30 des maladies professionnelles) se caractérisent par une chute de la capacité pulmonaire totale (CPT).

Les maladies respiratoires obstructives (silicose désignée au tableau n°25, BPCO désignée aux tableaux n°91 et n°94) se caractérisent par une chute du volume expiré maximal en 1 seconde (VEMS).

Une certaine importance de la chute du VEMS est exigée dans les tableaux n°91 et 94, à savoir au moins 30 % par rapport à la valeur moyenne théorique.

Les bronchodilatateurs améliorent les performances et la tentation est grande chez les médecins conseils et les experts de ne prendre en compte que les résultats des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) pratiquées alors que la victime est sous bronchodilatateurs.


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Exposé des faits


Monsieur F., alors âgé de 65 ans et ayant travaillé dans les mines de charbon au fond pendant 32 ans, fait une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n°91 pour une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) du mineur de charbon.

A l’époque de la déclaration, le VEMS (volume expiré maximal en 1 seconde) est respectivement de 67 % et de 64 % de la valeur moyenne théorique (épreuves fonctionnelles respiratoires faites à quelques mois d’intervalle).

La condition, exigée dans la colonne « désignation des maladies » du tableau n°91, d’une chute du VEMS d’au moins 30 %, est respectée, mais la caisse refuse la prise en charge sous le motif que la chute du VEMS n’est que de 18 %.

Elle s’appuie sur des EFR pratiquées dans la même période, mais il s’agit en fait d’EFR faites par le pneumologue qui suit la victime, pour voir si cette dernière profite bien du traitement administré. Le pneumologue note de façon manuscrite sur les résultats des EFR : « Amélioration du syndrome obstructif sous SPIRIVA. Bien poursuivre le SPIRIVA ».

Nous faisons valoir devant le TASS que ce résultat ne saurait être retenu parce qu’il n’a pas été pratiqué dans des conditions basales, tout en mettant en cause l’honnêteté intellectuelle du médecin conseil.

Au cours de la procédure surgit le débat sur les conditions dans lesquelles ont été pratiquées les EFR, le médecin conseil prétendant que les EFR n’ont pas été pratiquées en « période stable ». Cette objection est rapidement balayée, le tableau ne donnant comme seule exigence que le VEMS doit être mesuré « en dehors de tout épisode aigu ».

Une expertise est diligentée par le TASS à notre demande et l’expert reconnaît l’existence chez la victime d’une bronchopneumopathie chronique obstructive au titre du tableau n°91, avis qui est entériné par le Tribunal.

Au cours de la procédure, est également intervenu le débat sur la première constatation médicale qui conditionne le respect ou non du délai de prise en charge. Ce problème a été également résolu dans la mesure où la fin de l’exposition date de 1993 et que la chute du VEMS éligible a été constatée en 2001 (59 % de la valeur moyenne théorique), soit dans un délai inférieur au délai de prise en charge de 10 ans exigé par le tableau.

Dans le cadre de la procédure, le liquidateur des Charbonnages de France est intervenu dans le débat pour essayer de se dégager de ses responsabilités, mais le Tribunal a déclaré que la décision de reconnaître la maladie professionnelle lui était opposable.

On ne sait pas à ce jour si un taux d’IPP a été attribué à la victime, mais on peut l’estimer de l’ordre de 50 % par référence au graphique de correspondance VEMS/IPP, élaboré à partir des données du paragraphe 6.9 du barème des maladies professionnelles.


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Discussion


Dans la mesure où au départ le litige était d’ordre médical, la caisse aurait dû proposer à la victime la procédure d’expertise médicale technique au titre de l’article L141-1 du Code de la sécurité sociale, précisé par les articles L315-2 et R141-2.

En fait, c’est une pratique courante des caisses de faire l’impasse sur cette procédure en niant qu’il s’agisse d’un litige d’ordre médical. Cela oblige la victime à aller au TASS, après passage à la CRA (Commission de recours amiable) sans que le débat sur le fond ait été abordé.

Dans le débat qui a eu lieu sur la première constatation médicale, il convient de préciser que c’est la date de cette dernière qui est déterminante pour définir le délai de prise en charge (temps maximal à ne pas dépasser entre la fin de l’exposition et la première constatation médicale) et non pas la date du certificat médical initial (CMI) qui a servi à la déclaration.

Le SPIRIVA est un bronchodilatateur à effet prolongé avec une seule prise par jour. 

Pour éviter que l’effet « dopage » provoqué par les bronchodilatateurs ne desserve les victimes en améliorant leurs performances, surtout quand il s’agit de fixer le taux d’IPP, nous leur conseillons de ne pas prendre de médicaments à visée pulmonaire le jour de la passation des EFR et le jour précédent (dans la mesure du possible).

On peut regretter qu’il est rarement mentionné sur les résultats des EFR si la victime est sous bronchodilatateurs ou non lors de la passation de l’examen.

Décembre 2014

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