Etude de cas n°12 : déficience fonctionnelle respiratoire



Source : internet.


Enoncé du problème


Le barème maladies professionnelles donne, au paragraphe 6.9, les règles d’indemnisation de la déficience fonctionnelle respiratoire.

Sont définies des catégories d’insuffisances respiratoires chroniques, allant du degré « léger » au degré « sévère », en passant par les degrés « moyen » et « grave ».

Ces différents degrés sont définis par les valeurs de trois paramètres :
  • la capacité pulmonaire totale (CPT),
  • le volume expiré maximal en 1 seconde (VEMS),
  • la pression partielle de l’oxygène dans le sang artériel (Pa02).

Les deux premiers paramètres sont mesurés lors des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) et le troisième en faisant les gaz du sang.

La CPT et le VEMS sont perturbés dans deux grandes familles de pathologie. La chute de la CPT caractérise un syndrome restrictif tandis que la chute du VEMS signe un syndrome obstructif.

La Pa02 peut être abaissée ou non, en association avec une diminution de la CPT ou une diminution du VEMS.

Mais le barème prend bien le soin de préciser que chaque catégorie d’insuffisance respiratoire chronique est « caractérisée par l’un au moins des critères ».

Certains feignent de l’ignorer, mais d’une façon générale l’indemnisation de la déficience fonctionnelle respiratoire est régulièrement tirée vers le bas par ceux chargés de fixer les taux d’IPP.


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Exposé des faits


En continuité avec l’histoire rapportée dans l'étude de cas n°11, Monsieur M. a donc été reconnu en asthme professionnel au titre du tableau n°47 (poussières de bois), suite à un avis favorable du CRRMP.

L’insuffisance respiratoire chronique dont est victime Monsieur M. est importante, provoquant un essoufflement à l’effort, de stade 3 à l’échelle de SADOUL (obligation de s’arrêter à la marche en terrain plat avec quelqu’un d’autre à allure normale).

Cette insuffisance respiratoire chronique est caractérisée par un VEMS à 50% de la valeur moyenne théorique (mesuré à l’époque où intervient la consolidation).

Une telle valeur classe Monsieur M. à la limite entre une insuffisance respiratoire chronique moyenne et une insuffisance respiratoire chronique grave. A cette limite correspond un taux d’IPP de 67%.

Le médecin conseil attribue un taux de 22% en notant dans le rapport d’évaluation « asthme à prédominance allergique, avec retentissement fonctionnel sévère » et expliquant les 22%  pour « tenir compte des capacités restantes ».

Monsieur M. conteste au TCI et demande, avec à l’appui un avis du médecin conseiller, un taux de 87%.

Il fait valoir que le taux d’IPP de 67% correspondant à la chute du VEMS doit être majoré, en raison d’une bronchorrhée chronique associée, par l’application d’un coefficient de 1,3, comme il est prévu dans le barème maladies professionnelles au paragraphe 6.8.3.

La bronchorrhée est une émission exagérée de mucus bronchique, se traduisant par de la toux et des crachats réguliers avec des épisodes fréquents de surinfection, souvent rencontrée dans la BPCO.

Le TCI diligente une expertise qui est confiée à un professeur de pneumologie. Ce dernier confirme le taux d’IPP de 22%.

Une réponse circonstanciée aux arguments, que l’expert avance pour justifier le taux de 22%, est alors faite par le médecin conseiller de la victime.

Tout d’abord, l’expert affirme que les VEMS mesurés aux différents examens sont faux et il met en avant une raison technique dont le bien-fondé est contestable. Il met même en cause les résultats des EFR pratiquées à l’occasion de l’expertise chez son confrère professeur spécialiste en EFR.

Ensuite l’expert affirme que, puisque le taux d’oxygène dans le sang est correct, il n’y a pas d’insuffisance respiratoire chronique « au sens biologique du terme », faisant fi des prescriptions du barème qui précise bien que le degré d’insuffisance respiratoire chronique  est « caractéris[é] par l’un au moins des critères » et qu’un de ces trois critères est le VEMS.

Une nouvelle expertise est demandée, en faisant valoir que l’expertise faite par le professeur de pneumologie « relève plus d’un règlement de comptes que d’une analyse indépendante ».

Nous ne saurons pas la suite, car la victime, peu de temps avant l’audience du TCI, congédie ses défenseurs, sans que nous ayons d’éléments d’explication d’une telle conduite.


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Discussion


En attribuant 22%, le médecin conseil se base d’abord sur le taux d’IPP d’au moins 25% attribué par le TCI, mais ce taux ne reflète pas le handicap respiratoire que présente la victime. Il s’agit simplement de la condition pour que le dossier soit instruit dans le cadre de l’alinéa 4 de l’article L461-1 du Code de la sécurité sociale.

Ensuite, le médecin conseil applique un correctif, en se référant à la règle de capacité restante ou règle de BALTHAZARD qui consiste à faire le calcul du taux d’IPP en tenant compte d’IPP antérieures.

Le taux de l’atteinte actuelle est multiplié par la capacité restante après le [ou les] atteinte[s] antérieure[s].

Monsieur M. bénéficie de deux taux d’IPP antérieurs, respectivement 3% et 12%, soit une capacité restante de 85% (ou 0,85). 25% multipliés par 0,85 est égal à 22% (en arrondissant).

Mais le médecin conseil n’a pas le droit d’appliquer cette règle, qui n’a pas cours dans le régime AT-MP, à une exception près, celle « des infirmités multiples résultant d’un même accident » (voir chapitre préliminaire du barème accidents du travail).

En fait, le médecin conseil utilise abusivement cette règle, qu’il transpose du régime d’indemnisation de la fonction publique où elle prévaut, pour tirer le taux d’IPP vers le bas.

Comme dans l’étude de cas n°8, nous aurions pu envisager de contester la date de consolidation qui est intervenue six ans après le certificat médical initial, mais nous n’avons pas pu maitriser correctement cet épisode par défaut d’information de la part de la victime.

De toute façon, c’était compliqué, car la victime était en invalidité 1ère catégorie (30% du salaire brut) depuis le début et en 2ème catégorie (50% du salaire brut) trois ans plus tard pour la même pathologie, sachant que, dans ce cas, le cumul d’une invalidité avec une rente maladie professionnelle n’est pas possible.

Pour que la rente maladie professionnelle se substitue sans perte de gains à l’invalidité 2ème catégorie, il faut que le taux d’IPP soit au moins de 67%, auquel correspond un taux utile de 50% du salaire brut (la fraction du taux d’IPP en dessous de 50% est divisée par 2, la fraction au dessus de 50% est multiplié par 1,5).

C’est sans doute cette difficulté qui a provoqué la dérobade de la victime.  L’hypothèse la plus plausible, c’est qu’on a soufflé à l’oreille de Monsieur M. que, s’il abandonnait le contentieux, on ne toucherait pas à sa pension d’invalidité, tout en bénéficiant de la rente liée au taux d’IPP de 22% (11% du salaire brut).

Juin 2013

1 commentaire:

  1. Merci pour l'info sur la regle de Balthazar, non applicable pour des pathologies différentes

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